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Photo du rédacteurBoris Gourdoux

La culpabilité chez le chien : un mythe persistant

De nos jours, le fait que nos chiens sont des êtres sensibles qui éprouvent des émotions est un acquis. Néanmoins, la reconnaissance de cet état de fait à également ouvert la porte à une flopée de raisonnements anthropomorphiques (souvent erronés). Ainsi, ceux qui préfèrent les raccourcis, s’en saisissent afin de justifier certaines attitudes de nos chiens en leur prêtant des capacités qu’ils n’ont pas.

 

Je vais essayer de vous démontrer que la notion de culpabilité passe par la compréhension de concepts qui dépassent largement les capacités cognitives de nos chiens.


chien triste couché avec la tête entre les pattes sur une terrasse

Qu’est-ce que la culpabilité chez le chien ?


D’après le Larousse, la culpabilité est définie comme suit :

 

« État de quelqu’un qui est coupable d’une infraction ou d’une faute »

 

Ou encore d’après Wikipédia :

 

« La culpabilité est un sentiment causé par la transgression d’une norme morale. »

 

Donc, d’après ces 2 définitions, la culpabilité implique d’avoir conscience d’avoir commis une infraction et d’avoir transgressé une norme morale. La morale étant subjective et différente pour chacun d’entre nous, le chien est-il en capacité de comprendre la morale humaine ?

 

Afin d’y voir plus clair, utilisons un exemple concret qui parlera au plus grand nombre, celui d’un chien qui détruit le canapé de votre salon. Si l’on part du postulat que le chien se sent coupable, cela suppose qu’il comprenne qu’il a détruit un objet couteux qu’il va falloir acheter à nouveau et que cet acte implique beaucoup de désagréments financiers pour vous.

 

Comme vous pouvez le constater par vous-même dans ce petit exemple ci-dessus, il est évident à quiconque fait preuve de bon sens que ces concepts, tels que l’argent nécessaire pour acheter un nouveau canapé, dépasse largement les capacités de compréhension de nos animaux de compagnie.

 

Le chien n’est pas en mesure de comprendre les notions de « bien » et de « mal », des notions qui le dépassent et qui reposent sur un code moral impliquant des règles transmises par nos sociétés humaines et qui diffèrent grandement d’une culture à une autre.


Pourquoi mon chien a-t-il l’air coupable ?


C’est là où ça devient intéressant et où nous devons faire fi de nos biais cognitifs et erreurs d’interprétation diverses.

 

Une étude a été effectuée sur un panel de 64 chiens laissés tour à tour seuls dans une pièce avec de la nourriture sur la table.

 

Dans cette étude, le chien reste dans une pièce et son propriétaire lui ordonne de ne pas manger la nourriture sur la table. Quand le propriétaire sort, une partie des chiens mange la friandise, tandis que pour l’autre partie des chiens, les friandises sont retirées par un chercheur. Lorsque le propriétaire revient ensuite dans la pièce, soit il va réprimander son chien, soit il va s’adresser à lui pour le saluer.

 

Il a été constaté qu’en l’absence de toute réprimande, il n’y a aucune différence de regard coupable entre les chiens qui ont mangé la nourriture et ceux qui ne l’ont pas mangée.

 

Les chercheurs ont constaté que les chiens ayant mangé la nourriture sur la table produisaient beaucoup plus de comportements associés à la culpabilité tels qu’une posture basse (tête, oreilles et queue basses), l’évitement du regard, blanc des yeux visible, traits de la peau tirés…, lorsqu’ils étaient réprimandés au retour de leur propriétaire, que ceux qui n’étaient pas réprimandés. On peut donc aisément constater que c’est l’attitude des humains qui influence le comportement dit « coupable » des chiens et non l’action en tant que telle. Pour illustrer mes propos, voici une petite vidéo qui va dans le même sens que cette étude.




Je n’ai jamais puni mon chien mais il a l’air coupable quand je rentre


Grâce à des milliers d’années passées à nos côtés, les chiens sont devenus des experts pour décrypter nos humeurs et nos émotions. Vous n’avez pas besoin de réprimander directement votre chien pour qu’il sache que vous n’êtes pas content et adapte son comportement en conséquence afin de désamorcer la situation.

 

Même si vous ne vous adressez pas à votre chien, vos mimiques faciales, vos mouvements ou encore votre respiration traduiront votre état émotionnel et il est fort possible que votre chien s’en aperçoive.


chien beige triste assis dans un restaurant

Mon chien a l’air coupable même quand il n’a pas fait de bêtise


Le titre de ce paragraphe devrait à lui seul convaincre les plus sceptique que le chien n’est pas en mesure de culpabiliser.

 

Les chiens ayant été réprimandés par le passé associeront le retour de leur propriétaire à une réprimande et adopteront des comportements d’apaisement par défaut afin d’anticiper toutes réactions négatives du propriétaire.

 

Autre situation qui démontre le fonctionnement par apprentissage associatif de nos chiens : votre chien a appris qu’il était réprimandé quand quelque chose trainait au sol dans la maison mais qu’il ne l’était pas lorsqu’il n’y avait rien par terre. Il a alors associé la présence des objets sur le sol à votre état émotionnel négatif.

 

Une étude de 1977 effectué par Vollmer sur une chienne appelée Nicki a démontré que ce « regard coupable » était bien dû à une réponse conditionnée.

 

Nicki faisait déchiquetait souvent du papier en l’absence de son propriétaire. Pour l’expérience, son propriétaire a lui-même placé dans la maison du papier déjà déchiqueté à la place de sa chienne et il est parti. Quand il est revenu, Nicki a adopté le même regard coupable que d’habitude alors qu’elle n’avait rien fait.


En conclusion

 

Nos chiens comprennent le monde selon leur propre perception de celui-ci, il leur est impossible de comprendre la valeur de votre canapé, ni même ce qu’est de l’argent ou de devoir nettoyer leur bêtise.

 

La réalité d’un chien est toute autre, c’est pourquoi il nous faut être très attentif aux interprétations anthropomorphiques que nous pouvons donner aux comportements de nos chiens car celles-ci peuvent engendrer des malentendus impliquant, par extension, l’utilisation de méthodes néfastes pour votre relation et pour le bien-être de votre animal.

 

Ce qu’on prend à tort pour un regard coupable ne traduit pas de la culpabilité chez le chien mais de  sa capacité à désamorcer une situation. D’ailleurs dans une étude de 2015 de Julie Hecht, 59% des propriétaires admettent que les comportements de « culpabilité » (postures basses, oreilles en arrière etc.) de leur chien, les conduisent à moins les réprimander.


Références :

 

 

Fessler D. (2004). Shame in Two Cultures : Implications for Evolutionary Approaches, Journal of Cognition and Culture, 4 (2) 207-262. DOI: http://dx.doi.org/10.1163/1568537041725097

 

 

 

Vollmer PJ. Do mischievous dogs reveal their « guilt »? Vet Med Small Anim Clin. 1977 Jun;72(6):1002-5.

 

Hecht J., Miklósi A, Gácsi M, Behavioral assessment and owner perceptions of behaviors associated with guilt in dogs. Applied Animal Behaviour Science 139(1-2) · June 2012

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