Comprendre le stress chez le chien: un langage à décrypter
- Boris Gourdoux
- 24 juin
- 6 min de lecture
Le sujet du stress est souvent associé aux aboiements, aux destructions et quand le chien se montre agité. Pourtant, ces comportements ne sont que la partie visible de l'iceberg. Il existe des signes bien plus subtiles et qui apparaissent dès les premières secondes d'un inconfort. Le chien possède un langage riche et nuancé, qui peut parfois être difficile à décrypter car certains signaux peuvent être difficiles à déceler.
Néanmoins, il est essentiel d'apprendre à lire ses signaux pour prévenir les conflits, ajuster nos attentes et offrir à nos chiens un environnement respectueux de leur état émotionnel.
Dans cet article, nous allons décoder les signaux de communication chez le chien, expliquer leur utilité, et donner des pistes concrètes pour les reconnaître et ainsi vous permettre d'interpréter ses signaux afin d'y répondre de façon adaptée.
Le stress chez le chien: un mécanisme de survie indispensable
De nos jours le stress à été diabolisé pour en faire un ennemi. Bien sûr un stress chronique n'est bon pour personne, cependant un stress ponctuel est une réponse naturelle et adaptative de l'organisme face à une situation perçue comme menaçante ou incertaine.
Le stress, tel que défini par Hans Selye, médecin et endocrinologue pionnier dans ce domaine, est « la réponse non spécifique de l’organisme à toute demande qui lui est faite ». Cela signifie que le stress, en soi, n’est ni bon ni mauvais : c’est une réaction physiologique normale et nécessaire pour s’adapter aux changements ou faire face à une situation.
On distingue toutefois deux formes principales de stress : l’eustress, qui correspond à un stress positif, stimulant et porteur d’adaptation (comme l’excitation avant une balade ou un jeu), et le distress, qui désigne un stress négatif, dépassant les capacités d’adaptation de l’individu et entraînant alors inconfort, mal-être, voire troubles comportementaux.
Il est donc essentiel de ne pas confondre toute manifestation d’activation chez le chien avec du "stress négatif" : un chien peut présenter des signes d’éveil ou d’excitation sans être en souffrance.
Pourquoi apprendre à lire les signaux de communication chez le chien?
Parce que l'essentiel de la communication du chien est corporel. Il ne s'exprime pas verbalement, mais il communique par des micro-comportements: détourner la tête, se lécher les babines, bâiller, s'immobiliser...Ces signes sont souvent méconnus ou interprétés avec une vision anthropomorphique (ex: "il fait exprès", "il se moque de moi", "il est têtu").
Apprendre à lire ces signaux, c’est :
Prévenir les situations à risque (morsures, fugues, blocages)
Offrir une relation plus respectueuse et sereine
Adapter son éducation aux capacités émotionnelles du chien
Mieux comprendre ce que vit l’animal au quotidien
En apprenant à lire les signaux de communication du chien, vous serez en mesure de réduire les situations qui génèrent du stress à votre chien. Bien sûr, loin de moi l'idée de vous dire que votre chien ne doit jamais vivre de situations stressantes, le stress fait partie de la vie. Néanmoins, identifier les situations où votre chien est inconfortable vous permettra de l'accompagner convenablement et lui permettre d'acquérir des capacités de résilience.
En effet, quand on souhaite accompagner un chien afin de l'aider à surmonter une situation stressante, il est primordial de procéder par étapes. En éducation canine, c'est ce que l'on appelle la désensibilisation graduelle. Cette méthode consiste à exposer le chien à un élément stressant à très faible dose en l'accompagnant ou pas d'un élément positif (friandises, jeux, etc.) et en s'assurant qu'il reste capable de gérer la situation.
Les principaux signaux de communication chez le chien
Popularisés par la comportementaliste norvégienne Turid Rugaas, les signaux de communication, aussi appelés "signaux d'apaisement" (dont je désapprouve l'utilisation car ces signaux n'apparaissent pas uniquement lors de tentatives d'apaisements), sont utilisés par les chiens afin de communiquer entre eux ou avec d'autres espèces (notamment les humains). Par exemple, un chien qui baille pendant un exercice ou qui détourne le regard pendant une caresse communique un inconfort potentiel. Ces signaux varient en intensité selon les individus, le contexte et l'historique du chien.
Les signaux de communication
Ces signaux peuvent apparaître lors d'une demande trop insistante, dun contact physique non sollicité, ou même face à une réprimande.
détourner le regard
se lécher la truffe ou les babines
bâiller
se secouer
renifler le sol de manière soudaine
cligner des yeux
ralentir ses mouvements
se gratter
Les comportements de fuite, de figement ou d'agression
Lorsqu'un chien se sent menacé, son système nerveux autonome entre alors en action afin de protéger l'individu d'une situation à laquelle il ne pourrait se soustraire autrement. Si ses signaux de communication initiaux (détournement du regard, bâillement, léchage de truffe, etc.) ne sont pas respectés ou compris, le chien n'a souvent d'autre choix que d'adopter l'une des 3 stratégies suivantes: fuir, se figer ou agresser. Il faut bien comprendre que ces stratégies n'apparaissent qu'en dernier recours et que ce sont réactions réflexes orchestrées par son cerveau, en particulier l'amygdale et les circuits du stress.
Fuite (flight)
Le chien cherche à s’éloigner activement de la source de stress.
Il tente de se cacher derrière son humain, sous un meuble ou derrière un obstacle.
Il refuse d’avancer vers une personne, un chien ou un objet en tirant en arrière.
Il s’échappe en courant ou contourne largement ce qui le met mal à l’aise.
Figement (freeze)
Le chien se fige totalement, incapable de réagir autrement.
Il reste immobile, oreilles basses, regard fixe, parfois la respiration bloquée.
Il cesse toute activité, même en présence de stimuli habituellement motivants (friandises, jouets…).
Il se couche ou se recroqueville, sans chercher à fuir ni à interagir.
Agression (fight)
Lorsque la fuite ou le figement ne suffisent pas, le chien peut tenter de faire fuir l'élément stressant.
Il grognement ou montre les dents à l’approche d’un congénère ou d’une personne.
Il aboie de manière explosive pour tenir à distance.
Il mord en dernier recours, souvent après de nombreux signaux ignorés.
Malheureusement il est courant que l'on décide d'agir, souvent en punissant, un chien qui a recours à ses stratégies adaptatives. Cependant, c'est une énorme erreur car ces comportements sont des réponses naturelles du système nerveux face à une menace perçue. En tentant de réprimer ces comportements, on peut aggraver la situation en supprimant les signaux d'avertissement qui précèdent souvent une morsure.
Les signes corporels subtils
Certains détails corporels doivent alerter :
Oreilles plaquées ou orientées vers l’arrière
Queue basse, repliée ou battements très rapides
Pupilles dilatées
Poils hérissés
Halètement excessif
Salivation, tremblements
Ces comportements peuvent avoir plusieurs signification, c'est pourquoi il est toujours indispensable de les placer dans un contexte précis. Par exemple: un chien qui remue la queue n'est pas forcément content.
Les comportements dits "redirigés"
Ils semblent incohérents ou hors contexte, mais sont en réalité des stratégies de régulation émotionnelle :
Se mettre à gratter frénétiquement
Boire ou manger sans appétit
Léchages compulsifs (soi-même, le sol, les murs)
Mâchonner un objet de manière soudaine
Lire les signaux dans leur contexte
Afin de ne pas faire fausse route, il est essentiel de ne pas isoler un signal de son environnement. Un chien qui halète peut avoir chaud...ou être en panique. Il faut toujours observer l'ensemble du langage corporel, la situation, l'intensité et la répétition des signaux émis.
Par exemple:
un bâillement ponctuel au réveil est normal
un bâillement répété lors d'un cours d'éducation ou d'une caresse peut traduire un inconfort
Que faire quand notre chien est stressé?
Ralentir ou cesser l'interaction
Laissez le chien souffler, analyser ou s'éloigner
-> Ne forcez jamais un contact si le chien communique une gêne.
Modifier le contexte
Trop de bruit, trop de proximité, trop d'exigences? Ajustez l'environnement ou la situation.
Renforcer les comportements calmes
S'il se détourne pour gérer la tension: récompensez! Il apprend ainsi que ses stratégies d'apaisement sont entendues.
Travailler la désensibilisation et le contre-condtionnement
Si une situation provoque régulièrement du stress (voiture, invités, congénères...), un accompagnement avec un professionnel formé et à jour de ses connaissances est nécessaire.
Favoriser la prévisibilité et le contrôle
Un chien qui est acteur de l'environnement dans lequel il évolue et qui peut faire des choix, est un chien plus détendu.
En conclusion
Lire les signaux de stress chez le chien, c’est lui donner une voix, là où il n’a pas de mots. C’est lui permettre d’exprimer ses limites sans être puni ni incompris. C’est aussi prévenir plutôt que guérir, en intervenant avant que le mal-être ne s’installe.
Une relation équilibrée se construit dans la réciprocité : plus on apprend à observer, plus le chien gagne en confiance et en sécurité. Et c’est dans cette sécurité que peuvent naître les apprentissages, la complicité… et la vraie coopération.
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